Une réforme passée en toute discrétion
Pendant les vacances de Pâques, le gouvernement de la communauté française a réformé de façon très discrète, le premier degré de l’enseignement secondaire. Nous nous sommes penchés sur ce qui changera et certains éléments ont retenus notre attention.
La réforme prévoit de limiter le redoublement en première année, ce qui est une idée intéressante. En effet, on sait que tous les jeunes n’ont pas le même bagage en sortant du primaire. De plus, le premier degré de l’enseignement secondaire reste une étape compliquée pour les jeunes : changement d’école, nouveaux professeurs et rythmes différents. Jusqu’à aujourd’hui, les élèves pouvaient doubler dès la fin de leur première année ce qui leur laissait très peu de temps pour rattraper un éventuel retard.
Mais le redoublement de manière générale pose question. Celui-ci coûte très cher à la Fédération Wallonie-Bruxelles (421,9 millions d’euros en 2013) et diverses études montrent qu’il est inefficace. Il n’a pas d’effet correcteur, donne une mauvaise image de lui-même à l’enfant et favorise le décrochage scolaire. De plus, il est socialement injuste puisqu’il touche majoritairement les enfants issus des milieux sociaux les moins favorisés. S’attaquer au redoublement est donc plus que nécessaire et urgent. Mais vouloir le faire disparaître en première année, sans qu’aucune politique de remédiation ne soit mise en place n’a aucun sens. L’élève accumulera alors les lacunes et cela peut mettre en péril la suite de sa scolarité.
Deux mesures d’accompagnement des élèves en difficultés sont prévues par la réforme : le Plan d’Action Collective (PAC) et le Plan Individualisé d’Apprentissage (PIA). Le premier insiste sur le fait que l’équipe pédagogique devra mettre sur pied des stratégies pour réduire le taux d’échec de l’établissement. Le PIA quant à lui consistera en un descriptif des actions qui devront être mises en oeuvre pour amener l’élève à dépasser ses difficultés. Il s’agirait donc d’un double soutien, général et individualisé, avant que l’élève ne soit face à des difficultés insurmontables.
Le CEF est pourtant dubitatif : aucun moyen n’a été dégagé pour la mise en place des PAC et PIA. Les classes sont souvent surpeuplées : les professeurs ne peuvent donc pas assurer ce suivi spécifique dans de bonnes conditions. Pour que ces mesures soient réellement utiles et efficaces, il faudrait engager des professeurs supplémentaires pour accompagner les élèves en difficultés ; De plus, si la rédaction de ces plans est obligatoire, rien n’a éét mis en place pour contrôler leur bonne application. Autrement dit, cela signifie que les écoles seront « encouragées » à organiser des remédiations, mais rien ne les obligera et rien ne sera mis en place pour les aider.
Tout le monde s’accorde pour dire que le redoublement est un problème auquel il est grand temps de s’attaquer. Mais laisser passer des élèves dans l’année supérieure sans mettre en place de stratégie réelle pour combler leurs lacunes est une aberration. L’élève sera stoppé à un moment ou à un autre et risquera plus tard la relégation vers le technique ou le professionnel. De plus, la réforme n’apporte pas de solution structurelle au problème de l’échec scolaire : chaque école est responsable de ses élèves en difficulté. Cela revient à mettre la responsabilité d’un problème aussi global que le redoublement sur les écoles, et pire, sur les professeurs. Les mauvais résultats de nos élèves sont liés à la structure de notre enseignement, figé dans ses erreurs depuis trop longtemps : seul un plan d’action global pourrait s’avérer efficace. D’autant plus que des solutions en ce sens existent : l’obligation d’organiser des remédiations immédiates, des classes plus petites, etc.
« Tout cela a un coût », entend-on souvent, « il n’y a pas de moyens ». Mais si ces mesures permettent de réduire le redoublement, des fonds seraient ainsi dégagés pour financer ces projets ! Tout cela ne serait-il pas finalement qu’un question de volonté politique ?
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